Le déphasage thermique ou la thermodynamique expliquée par les illusionistes: les bons isolants sont mauvais, et les moins bons sont meilleurs.
L'essai du CSTC sur le déphasage.
Entendu: "L'isolant X ne semble pas répondre à la contrainte du confort d'été, sa densité étant trop faible"
Entendu dire par un spécialiste (de la vente): "Le produit X ne semble pas répondre à la contrainte du confort d'été, sa densité étant trop faible, il est vrai qu'au Canada ils ont moins cette contrainte que nous. A ce jour nous insufflons de la ouate à 60 kg/m3 et lambda 0,041 pour jouer sur les deux tableaux, été et hiver."
En quoi la densité change-t-elle la théorie et améliore le confort d'été? Cette idée que l'isolant sert en même temps de masse thermique est une aberration conceptuelle: meilleur est l'isolant, moins les calories passeront (dans un sens comme dans l'autre, chaleur gaspillée en hiver et trop de chaleur pénétrant le bâtiment (ou frigories gaspillées) en été.
La fonction de l'isolant est d'empêcher quantitativement les transferts d'énergie, pas de les ralentir en en stockant une partie ! Cette théorie (enfin... disons plutôt argument de vente) permet de prétendre qu'un isolant lourd présente des avantages.
Les chiffres montrent que les meilleurs isolants sont particulièrement légers, puisque c'est la compartimentation du gaz en entités peu communiquantes qui fait l'
isolation (l'isolation contre la conduction thermique).
Les marchands d'isolants moins performants ont trouvé comment requalifier le défaut essentiel de leur produit en lui attribuant un avantage dénommé "déphasage thermique". Selon eux, suivant cet argument, il vaudrait mieux un isolant moyen et qui pèse lourd, cela tombe bien !
L'effet décrit, et que la mode des isolants lourds appelle "déphasage thermique", est une des fonctions d'une maison dite passive bien conçue, mais la bonne pratique n'est pas de placer la masse thermique dans l'isolant, mais bien
dans la zone isolée, à l'intérieur de la partie délimitée par l'isolant, par exemple sous forme d'un sol bien massif.
Le language d'illusioniste du "déphasage thermique", une notion récente apportée par le nouveau marché du "vert", correspond à peu près à prétendre de faire des coques de sous-marins en éponge, sous le raisonnement que l'entrée de l'eau est utilement ralentie par la quantité absorbée par l'éponge, et que quand il refait surface, l'eau ayant pénétré le sous-marin est utilement ré-absorbé par l'éponge et les flaques à l'intérieur sont rapidement absorbées somme toute...
Le déphasage thermique est pratiquement ingérable, ni électroniquement, ni statiquement, sauf à force d'apports significatifs d'énergies, or que le principe essentiel d'un bâtiment passif performant est de
simplifier les flux énergétiques en les supprimant (quasiment).
Une
maison passive bien conçue est thermostatée statiquement, sans appareillage, par la conjonction calculée notamment d'une isolation extrêmement performante - sans concessions - et d'une masse thermique très importante - sans concessions.
A titre d'exemple, dans une maison typique de 150 m2, avec environ 150 m2 de surfaces de murs en 150mm et 150 m2 de toit en 250mm, la masse thermique totale d'isolant en ouate de bois / cellulose est de l'ordre de 5400 kJ / K, et serait identiquement offert par 15mm de béton/mortier dans le sol... (dont coût pratiquement nul si prévu à la conception).
Il y a encore beaucoup à dire sur les erreurs de conception en construction, et de plus en plus avec la mode du vert.
Nous participons à la conception et construction de maisons basse énergie depuis 1976, et de maisons passives depuis 1984 (le terme n'existait même pas). Celles que nous avons réalisées en 1984 et 1986 avaient une capacité de "déphasage thermique" environ 18 fois supérieure à l'exemple ci-dessus, tout en ayant une isolation environ 3 fois supérieure. Ces bâtiments existent, sont habités, et tiennent leurs promesses chiffrées.
Les relevés enregistrés notaient des variations de température inscrits dans une plage totale de 0.5 degrés (un bâtiment moderne non-passif bien conçu reste dans une marge de 2 degrés, tout cela de plus de gaspillé...), grâce notamment à la conception correcte des masses thermiques, là ou elles bénéficient à l'usage.
Bio climatiqueLes maisons bois telles que construites dans les régions nordiques, où les cycles solaires et l'énergie qui en est récupérable sont très différents de nos latitudes, ne peuvent servir sans adaptations à faire des maisons réellement performantes dans nos régions. Elles sont peut-être bioclimatiques là-bas, et par définition même, l'environnement climatique étant différent, elles ne sont pas bio-climatiques ici, à moins d'y faire les adaptations nécessaires, suivant les bons vieux principes de la physique et suivant le savoir-faire de thermiciens expérimentés ayant vu beaucoup de maisons à basse énergie, leurs qualités et déboires éventuels, et, qui sait, un peu d'innovation.
Le résumé était adressé au concept de déphasage thermique, qui selon mes relevés des explications des uns et des autres dans divers media moyennement rigoureux, est une analyse souvent établie à partir des axiomes relatifs à des bâtiments peu ou moyennement isolés.
Par pur respect pour nos enfants, dès lors que des techniques et matériaux sont connus, et que leurs impacts, en situation et en fin de vie, sont connus sur des dizaines d'années, et que le prix est comparable au bâtiment traditionnel, notre credo est qu'il faut raisonner en terme de bâtiments parfaitement isolés, comme beaucoup de pays voisins d'ailleurs, alors qu'ici l'atavisme résulte en petites hausses de la norme, et on va rajouter quelques centimètres là où c'est possible, en faisant payer cher et vilain de ne pas refonder la conception elle-même.
Dans le cas d'un bâtiment très fortement isolé et sans
ponts thermiques et pratiquement sans zones froides (ou du moins sans zones froides pendant la période nocturne du fait de fenêtres à isolation renforcée de nuit), les axiomes de départ et mécaniques en jeu interviennent dans des ordres de grandeur complètement différents, à tel point que les valeurs en jeu sont dans les zones des marges d'erreurs reconnues de la plupart des logiciels de calculs climatiques sur le marché.
Par exemple isoler plus la toiture que les murs... Pourquoi en fait ? Dans le cas d'une maison proche de la perfection théorique, il n'y a pas de gradient thermique, et donc pas de températures plus élevées près les plafonds que le long des murs, et donc pas de raisons d'isoler plus... (sauf par ex. contre les actions supplémentaires des rayonnements - solaires de jour, vers le ciel de nuit claire, mais ces rayonnements sont utilement contrés par des couvertures de toiture appropriées)
Dans ce domaine, ce que nous pouvons apporter, c'est les bâtiments réalisés et quelques fois les mesures qui y ont été prises. Le domaine des bâtiments très isolés et avec une très masse thermique, reste peu connu et peu exploité, malheureusement, car en pratique, c'est une solution dans les climats du Cap Nord jusqu'au méditerranéen. Par "solution" j'implique que le temps et le prix de la construction reste comparable aux constructions classiques.
Nous avons travaillé - théoriquement - sur des modèles pour le Maghreb également, mais sans participer à la construction et sans en disposer de relevés systématiques hormis les retours d'info pas vraiment rigoureux (et très positifs).
Nous pouvons aussi rappeler l'histoire récente qui a vu la même mode, après les chocs pétroliers de 1972 et 1979, or que les informations étaient déjà disponibles, et même synthétisées pour les concepteurs et bâtisseurs. Allons-nous de nouveau construire pendant 10 ou 30 ans des bâtiments condamnés au regards des besoins futurs?