Hola, vaste sujet !!
En préambule, je préciserai déjà que je fabrique des yourtes un peu atypiques, très orientées vers l'habitat permanent écologique : durable, écologique, sain et confortable. J'utilisais donc déjà des couches d'isolant jusqu'à 16 cm là où des yourtes plus traditionnelles utilisent des feutres de 10 mm, des doubles-vitrages securit performant thermiquement (gaz argon et faiblement émissif, etc... Le pas était donc un peu moindre à franchir et la RT2012 peut donc s'appliquer avec moins de transformations radicales que pour une yourte traditionnelle. Passer de 160 à 240 mm d'épaisseur ou de 10 à 240 mm pour l'isolant, ce n'est pas le même saut pour visualiser ce que j'essaie de dire...
La RT2012 peut donc s'appliquer à une yourte, je suis en train d'y travailler avec un thermicien et le premier permis de construire soumis à la RT2012 vient d'être accordé à l'un de mes clients.
Concrètement, les grandes lignes de ce projet précis:
- un plancher isolé avec 22 cm de ouate de cellulose,
- une isolation en laine de moutons de 24 cm toit et murs,
- une surface vitrée importante avec 15 m2 de surfaces de baies (vitres+dormant) et dôme zénithal pour 86 m2 habitable sur un niveau et demi (présence d'une mezzanine).
- une membrane d'étanchéité à l'air rajoutée en plus des toiles intérieures et extérieures,
- aération naturelle par l'ouverture du dôme zénithal,
- prise en compte des NRJ renouvelables :
chauffe-eau thermodynamique, puits canadien,
chauffage bois performant.
L'attestation nécessaire au dépôt du PC, pour laquelle l'étude de l'enveloppe est seule considérée, a été obtenu début avril. Le reste de l'étude thermique est toujours en cours, chaque problème est pris l'un après l'autre mais à ce jour les principales difficultés semblent résolues.
Après, l'application de la RT2012 est tout de même très mitigée, en particulier pour les yourtes mais aussi toutes les constructions non industrielles, pas exemple les fustes, les auto-constructions.
D'un côté, on ne peut reprocher la volonté de diviser par 3 la consommation énergétique des habitats par rapport à la précédente norme et tout ce qui va dans ce sens. C'est une bonne chose pour la planète et pour le porte feuille des habitants.
D'un autre côté, la façon d'y arriver est quand même perfectible pour le moins :
- elle impose le recours à des thermiciens formés (bac +2 mini), des logiciels marchands extrêmement chers qui nécessitent une formation particulière de plusieurs semaines à des thermiciens formés. Surcoût pouvant aller jusqu'à 2.000 € par projet.
- imposer des habitats étanches n'est pas forcément un mieux. Quand l'étanchéité est parfaite, il faut gérer mécaniquement les entrées et sorties d'air et récupérer les calories de l'air sortant. Cela impose de la mécanique en plus, des frais supplémentaires et des risques que "la maison tombe en panne"... De plus, un petit trou ou quelques-uns dans une enveloppe parfaitement étanche et ce sera catastrophique : entrées énormes d'eau à cet endroit comme le montre déjà plusieurs articles que j'ai lu. La perfection étant difficile à atteindre, il faut s'y attendre dans bien des cas d'autant que beaucoup d'artisans vont devoir revoir complètement leur façon de faire dans ce domaine et en premier lieu ceux qui ne s'y attendent pas forcément comme les électriciens ou les plombiers qui percent les enveloppes étanches et n'ont jamais été formés à cela... Au-delà, le principe même de l'étanchéité de l'habitat n'a pas démontré à mon sens qu'il était forcément meilleur...
- les énormes quantités de matériaux qui sont rendus indispensables par cette RT2012 pour la construction d'un habitat ont un coût important, en terme de prix mais aussi en terme de kWh pour leur production, leur recyclage, en terme d'utilisation de matières premières. Une maison à construire, c'est de l'ordre de 500.000 à 1.000.000 de kWh (chiffres ADEME avant l'application de la RT2012 qui les a forcément augmentés) soit la consommation d'un habitat RT2012 à 50 kWh/m² et /an de 100 m² pendant 1 à 2 siècles. Sachant qu'une maison qui dure autant que cela c'est rarissime (regardez autour de vous combien de maison sont du XIX ème ou XVIIIème ?) et que à chaque génération ces maison sont intégralement refaites à l'intérieur : électricité, plomberie,
chauffage, isolation, parements intérieurs et extérieurs, menuiseries, etc... En gros, il m'est évident que la consommation énergétique d'une maison est surtout due à sa fabrication et non à son usage. Cette norme ne tient aucun compte de ce fait, cet aspect est complètement ignoré et les habitats économes en énergies de ce point de vue comme la yourte (15.000 kWh pour les matériaux et sa fabrication soit 30 à 70 fois moins qu'une maison) mais aussi bien d'autres comme la fuste puisque j'en ai déjà parlé ne sont pas du tout avantagés, bien au contraire...
- cette norme a été pondue par le Grenelle de l'Environnement. Qui peut être présent à de telles réunions sinon les grosses entreprises du bâtiment, les industries ? Y avait-il des artisans, des représentants des auto-constructeurs, des filières locales de fabrication de matériaux ? Même si c'était le cas, ce dont je doute, leur place était sûrement anecdotique et les moyens qu'ils peuvent consacrer à ce genre de choses n'ont rien à voir avec un groupe BTP ou un industriel du bâtiement. Le résultat est que le travail d'un artisan local, le matériau de construction local auront bien du mal à s'insérer dans cette norme. Pour intégrer la performance thermique de mes portes et fenêtres, toutes sur-mesures, il me faudrait la faire estimer au cas par cas : plusieurs centaines d'euros à chaque fois. Lapeyre avec ces fabrications standardisée n'a pas dû avoir ce problème et nous n'avons pas les mêmes moyens.
Il y a donc dans l'application de cette norme des choses assez contradictoires. Il faut se creuser la tête pour appliquer cette norme, c'est indéniable voilà des mois que j'y travaille. Une partie de ce travail est réellement intéressant et donnera une amélioration de l'habitat mais au prix d'un surcoût énorme en prix et en quantité de matériaux à tel point que certaines bourses ne pourront pas suivre. Une autre partie de ce travail n'est vraiment que l'application bête et méchante d'une norme bureaucratique. C'est le cas à mon sens de l'étanchéité à l'air (mais ce point de vue ne sera pas partagé par beaucoup peut=être) et d'autres choses comme le ratio de 1/6ème de surfaces vitrées par rapport à la surface habitable tombé de je ne sais où, d'un actionnaire de St Gobain peut-être. De plus, si la moitié de la surface vitrée est au nord mais que l'on force un peu sur l'isolant, personne n'y trouvera rien à redire...
J'ai répondu à la question mais je suis un peu hors sujet par rapport au post originel.. Désolé...
Olivier DAUCH
Olivier DAUCH, fabricant de yourtes contemporaines artisanales et écologiques depuis 2005.
Je suis passionné par les yourtes et les habitats légers écologiques mais également par beaucoup de domaines de l'éco-construction.