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Par Thomas MERTENS
Juriste, en thèse sous la direction du Professeur Hugues PERINET-MARQUET
La Vente en létat futur dachèvement (VEFA), concernant le secteur protégé (dhabitation ou mixte) est un des contrats les plus utilisés en matière de construction. Surtout utilisé en milieu urbain, la VEFA est communément appelée « achat sur plan », ce qui résume son objet. En effet, la VEFA est le contrat par lequel une personne, lacquéreur, contracte avec une autre, le constructeur (ou promoteur) qui sengage à construire sur un terrain qui lui a vendu un immeuble dont il deviendra propriétaire au fur et à mesure de lavancement des travaux, par voie daccession.
Afin déviter les désagréments rencontrés dans les années 1960 par les acquéreurs, le législateur est intervenu le 3 janvier 1967 par un texte dordre public. Certain qualifient, avec le Professeur Hugues PERINET MARQUET la loi sur le VEFA comme étant le « néolithique du droit de la consommation ».
La loi prévoit un mécanisme qui séchelonne dans le temps : la VEFA connaît un contrat préliminaire (I) et un contrat définitif (II). Quels en sont les mécanismes et régimes ?
1/ le contrat préliminaire
Dès lors que lon se trouve en VEFA, ce contrat est impératif. Ainsi larticle L 261-15 du code de la construction et de lhabitation (CCH) dispose que toute autre promesse de vente ou dachat est nulle. Cest le contrat par lequel une personne, le réservataire, réserve lachat éventuel dun immeuble à une autre, le réservant. Ce dernier, en contrepartie recevra un dépôt de garantie. Quelles sont la réglementation (A) et la portée (B) de ce contrat préliminaire?
A Réglementation du contrat préliminaire.
Les mentions obligatoires :
Les articles R 261-25 et R 261-26 du CCH imposent la mention de la surface approximative dhabitation. Larticle R 261-27 du même code impose la rédaction de ce contrat par écrit. Il sagit donc dun contrat solennel.
Le droit de rétractation :
La Loi de 1967 est une Loi « consumériste », ainsi le non professionnel a 7 jours pour renoncer à lopération. Ce droit de rétractation est dune grande importance et les tribunaux sanctionnent le professionnel de navoir par informé le client de ce droit.
Un dépôt de garantie bien encadré :
Lorsque lon conclu un contrat préliminaire, le constructeur va demander, pour sa trésorerie, un dépôt de garantie.
Son montant ne peut dépasser 5% du prix définitif prévu si le délai de réalisation de la vente nexcède pas un an, 2% sil est compris entre 1 et 2 ans. Au delà, il ny a pas de dépôt exigé. Cette somme doit être versée sur un compte spécial insaisissable et indisponible sous peine de sanctions pénales.
le dépôt de garantie est restitué si :
La vente ne se réalise pas du fait du vendeur.
Si le prix de vente excède de 5% le prix prévisionnel.
Si le prêt nécessaire à lachat nest pas obtenu par le réservant.
Si lun des travaux déquipement prévus ne doit pas être réalisé.
Si limmeuble ou une partie de limmeuble subit une réduction de 10% de sa valeur.
Au regard des possibilités de non-conclusion du contrat définitif, la portée du contrat de réservation a donc une portée incertaine.
A Portée du contrat préliminaire
Cest la portée de lengagement du réservant qui est incertaine. Cet engagement nest pas clair car on lui donne la possibilité de modifier le contrat voir de renoncer à lopération.
Le pouvoir de modifier le contrat.
Quelles peuvent être les différences entre contrat préliminaire et contrat définitif ?
le contrat préliminaire doit comporter les indications essentielles quant à la consistance de limmeuble, il doit indiquer la surface habitable approximative, comporter une note technique sommaire etc& Au regard de la rigueur et la précision imposée par la loi, le réservant ne peut faire varier les éléments prévus au contrat préliminaire que dans la limites de 10% de leurs valeurs. Lesprit de la loi, cest la protection de lacquéreur.
a-t-on véritablement le droit de renoncer à lopération ?
Le contrat de vente peut ne pas être conclu du fait du vendeur. Face à cette réalité du texte et face à la pratique, comment doit-on réagir ? La non conclusion du contrat de ce chef doit-elle entraîner lallocation de dommages-intérêts pour lacheteur ou la simple restitution du dépôt de garantie ?
Au regard de la loi de 1995 sur les clauses abusives est considérée comme non-écrite une clause permettant au vendeur de se dégager du contrat de manière potestative. Tout dépendra donc de la rédaction du contrat. Linconvénient, dans la VEFA est donc la possibilité offerte au vendeur de ne pas conclure le contrat définitif.
2/ le contrat définitif
Une fois que le programme de construction est déterminé, les opérations de construction vont pouvoir commencer. Cest là que sera conclu le contrat de VEFA définitif.
Quelles sont les règles de formation du contrat (A), les obligations du vendeur (B) et celles de lacquéreur (C)
A - Les règles de formation du contrat.
Dans le but poursuivi par le législateur, celui-ci se devait dêtre strict.
Le vendeur doit envoyer, un mois avant la vente le projet dacte. Cela permet au réservataire de vérifier si le contrat définitif est conforme au contrat préliminaire.
La VEFA est un contrat solennel qui doit être passé devant notaire.
Il doit comporter des mentions obligatoires : il doit préciser limmeuble ou la partie dimmeuble faisant lobjet du contrat, le délai de livraison, le prix, la garantie dachèvement, règlement de copropriété etc. Cela implique que le montage immobilier soit établi avant le 1ère vente.
B - Les obligations du vendeur.
1) Le respect des engagements contractuels :
Le respect de la conformité :
Tout ce qui a été prévu au contrat doit être réalisé et tout ce qui a été réalisé doit être conforme à ce qui a été prévu. La non-conformité, cest soit une absence, soit une différence.
Labsence : en assurance construction, on distingue les non-façons des malfaçons. Ici, il sagira des non-façons. Comment apprécier la conformité dans ce cas ? En comparant limmeuble réalisé avec le contrat.
Les différences : Deux problèmes se posent ici. Le premier concerne la clause dite « par équivalent ». Cette clause permet au vendeur de ne pas utiliser les matériaux prévus mais den utiliser dautres qui sont équivalents. Cette clause est-elle valable ? Sagissant déléments marginaux (les matériaux), elle ne sera pas regardée comme un clause abusive. Le second concerne la contenance. La loi Carrez de 1996 ne sapplique pas ici car nous sommes en labsence de bâti et de promesse de vente. Cest larticle 1616 du Code civil qui sapplique.
Lappréciation de la conformité :
Elle se fait par rapport aux documents contractuels : cependant, il y en a beaucoup. On va surtout apprécier vis à vis du contrat définitif :
La notice descriptive : selon la Cour de Cassation, elle a une valeur contractuelle.
Les documents publicitaires : on pourrait penser que ces documents ne sont pas contractuels. Parfois, les documents publicitaires le précisent eux-mêmes. La Jurisprudence précise que la clause « document non contractuel » est valable. La Jurisprudence a également décidé que si un élément figurant dans la publicité nest pas construit, la responsabilité du vendeur est engagée (cas dune
piscine).
Sanction de labsence de conformité :
Le délai de mise en Suvre de laction est de 30ans. En cas de succès de cette action, le vendeur sera obligé de payer des dommages-intérêts ou encore, le juge procèdera, après expertise, à une diminution du prix.
Le respect du délai dédification :
Lobligation dédifier dans un délai spécifié est souvent malmenée dans les contrats. Beaucoup daléas peuvent intervenir sur ce délai et le promoteur se les réserve. En effet, le contrat va souvent prévoir des causes de suspension de délai très larges. Au regard de ces clauses, on peut affirmer quil ny a pas de délai fixe.
2) Les garanties données à lacquéreur.
La garantie de bonne fin :
Avant 1967, trop souvent lacquéreur se retrouvait dans une situation délicate : il avait payé et le vendeur nachevait pas. Le législateur a prévu des garanties novatrices dans le CCH : ce sont les article L 261-10 et suivants. Ces garanties sont un élément essentiel de la VEFA car elles rassurent lacquéreur.
La nomenclature des garanties.
Il sagit de garanties dachèvement et de remboursement. Ces garanties, dans la VEFA dhabitation, sont extrinsèques.
La garantie dachèvement sera donnée par un établissement de crédit par le mécanisme de la caution solidaire que la Cour de Cassation considère comme une garantie autonome.
La garantie de remboursement prend la forme dun cautionnement par lequel létablissement de crédit sengage, solidairement avec le vendeur à restituer les sommes versées.
Larticle R 261-23 du CCH dispose que le contrat de vente peut prévoir la substitution de la garantie dachèvement à la garantie de remboursement et vice versa. Le plus souvent sera stipulée une garantie dachèvement dans la mesure ou le but de lopération est la livraison dun immeuble. La garantie extrinsèque est, globalement, une bonne garantie car cest celle dune personne extérieure dont la solvabilité est assurée.
La fin des garanties.
Le moment de lachèvement.
La garantie dachèvement prend fin à lachèvement de limmeuble. Lachèvement résulte de la déclaration certifiée de lhomme de lart (soit larchitecte ).
Fin de la garantie dachèvement et paiement du prix.
Est-ce que ce moment de déclaration dachèvement correspond au moment où lon doit payer le prix ?
Limmeuble conforme à sa destination est limmeuble achevé et habitable. Limmeuble est-il achevé avec la libération du garant ? Lachèvement des obligations du garant ne coïncide ni avec la fin des obligations de lacquéreur ni avec celles du vendeur. Les obligations du vendeur ne sont pas dachever limmeuble mais de lachever en conformité avec le contrat. Or, le simple achèvement libère le garant.
La garantie des dommages.
La garantie des vices apparents
Ne sont garantis que les vices et non les défauts de conformité couverts par lobligation de délivrance engageant le responsabilité de droit commun du vendeur. Un dommage est apparent au moment de la livraison. La Loi donne à lacquéreur un mois pour découvrir les dommages apparents.
Quels délais daction ?
Le vendeur en VEFA nest pas déchargé avant le délai dun mois après la réception. Laction doit être introduite dans lannée suivant la date de la décharge des vices apparents.
Le point de départ est le plus tardif entre la réception et la livraison à quoi lon ajoute 1 mois.
Le délais dun an est un délai de garantie et daction à la fois.
Quelle réparation ?
Soit en nature soit en argent.
La garantie des dommages apparents.
Les actions possibles.
Acquéreur contre vendeur : dans les rapports vendeur / acquéreur, dois-je me préoccuper des problèmes avant la réception ? Si je suis avant la réception et en même temps avant la livraison, on voit mal comment on pourrait découvrir des dommages. En fait, cest lhypothèse où la livraison est antérieure à la réception. Dans la VEFA, lon bénéficie, en vertu de larticle L 161-16 CCH lapplication de 1646-1 du Code Civil : le vendeur est tenu des garanties biennales et décennales à compter de la réception.
Le garant dachèvement pourra-t-il être actionné avant la réception si le vendeur tombe en faillite ? Ici, cest une mal façon et non une non façon. Le garant est tenu dachever limmeuble. A priori, il ny a pas de garantie de ce chef.
Si limmeuble a été achevé et réceptionné : lacquéreur va pouvoir agir en décennale et biennale. Ici, on rend quelquun constructeur au sens purement juridique car il ne réalise rien matériellement. Ce constructeur fictif sera encore plus responsable que les vrais constructeurs. Dans une décennale normale, la Jurisprudence considère que cest une responsabilité de plein droit mais qui ne frappe quà bon escient. Il faut un responsable du chantier : labsence de faute na pas dincidence, seulement le fait a de limportance : il y a un lien de causalité entre son fait et le dommage. Cest une double présomption : présomption de lien entre lactivité et le dommage (celui qui na rien fait peut se décharger) qui est une présomption simple. Si la preuve du lien entre fait et dommage est rapportée, il y a présomption de responsabilité dont on ne peut sexonérer que par la cause étrangère. Le vendeur dimmeuble à construire nintervient pas sur le chantier. La seule solution possible, cest le lien de causalité fictif car il est toujours présumé responsable.
Lacquéreur à dautres garanties pour les dommages intermédiaires non réparables par la biennale et la décennale et là, cest le droit commun de la responsabilité contractuelle qui sapplique. La Jurisprudence a décidé que cette responsabilité nexcède pas un délais 10 ans pour faute prouvée. Le problème est que la faute est difficilement rapportable car le vendeur nintervient pas matériellement sur louvrage.
Vendeur / Locateurs douvrages : Avant la réception cest le droit commun, avec obligation de résultat dans le délai de 30 ans. Après réception cest la biennale, décennale et la garantie de parfait achèvement (dune durée dun an) ainsi que les désordres indépendants (étrangers au champ dapplication des articles 1792 et suivants du Code Civil).
Lacquéreur va actionner le vendeur. Si celui perd et paie lacquéreur il se retournera contre les locateurs douvrages par une action récursoire. Il peut également faire un appel en garantie.
Cest dans ces deux cas que les responsabilités seront mises en Suvre.
Action acquéreur / locateurs douvrage : cest larticle 1792 du Code Civil qui sapplique. Les actions découlant du contrat dentreprise profitent au maître de louvrage ou à lacquéreur de louvrage. Les acquéreurs successifs se voient transmettre les garanties biennales et décennales. La Jurisprudence estime que cest pareil pour les dommages intermédiaires et la garantie de parfait achèvement.
Sous-acquéreur / Vendeur : cest le cas de lapparition dun dommage dans le délai de 10 ans. Il y a transmission de la décennale à tous les acquéreurs successifs de limmeuble. En dehors de la décennale, la garantie biennale est également transmise. Pour les dommages intermédiaires aussi car « laccessoire suit le principal ».
Sous-acquéreur / acquéreur : il sagira de garanties de droit commun car ce nest pas un constructeur, le revendeur dun immeuble nest pas un vendeur de travaux. Cest différent si le vendeur a fait lui même des travaux dans limmeuble quil vend. Cest le droit commun de la vente qui va sappliquer.
Sous-acquéreur / locateurs douvrages : décennale.
Les assurances.
Il sagira tout dabord des lassurance dommage-ouvrage (ADO) qui sera prise par le maître de louvrage, Le Promoteur-Vendeur. LADO joue pour des désordres de nature décennale et ne répare que les malfaçons. Cette assurance profite à lacquéreur et aux sous-acquéreurs successifs selon le principe « lassurance de chose suit la chose ».
Ensuite, cest lassurance responsabilité civile (ARC) qui va jouer pour le promoteur et les locateurs douvrage. Elle pèse sur toutes les personnes soumises à la décennale.
C Lobligation de lacheteur : payer le prix.
Elle devra être acquittée à la mise à disposition du local. En cas de contestation sur la conformité avec les prévisions du contrat, 5% du prix devront être consignés. On paie 95% à lachèvement et le restant à la livraison.
La livraison cest la volonté du promoteur de mettre à la disposition de lacheteur et la prise de possession par celui-ci. Ce nest que dans le cas où il ny a pas de réserve ou quelles sont levées que lacquéreur devra régler 100% du prix.
Sanctions des règles de paiement:
- Linterdiction des versements anticipés.
On ne peut réclamer de versements anticipés afin de ne pas porter atteinte au droit de rétractation dont jouit lacheteur.
Sanction des retards de paiement.
Lacquéreur ne payant pas dans les délais risque de payer des indemnités. Cependant la clause pénale ne peut être supérieure à 10% du prix.
Pour conclure, la VEFA, en secteur dhabitation est un contrat fermement encadré par la Loi. Son contentieux est résiduel et comme pour le
CCMI connaît un taux de satisfaction élevé.
(Février 2001)
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