ace41 a écrit:Petit Topo sur la RECEPTION DES TRAVAUX
Etabli en fonction :
- de mon expérience*, et des infos données par
- Légifrance,
- "Le Code pratique de l'assurance construction" par Jean BIGOT et Anne d'HAUTEVILLE professeurs d'Université Editions L'ARGUS
- "La Responsabilité des constructeurs" par Albert CASTON Avocat Le Moniteur l'Actualité juridique:
1 - Quelques repères législatifs, réglementaires et jurisprudenciels
Article 1792-6 (Code civil)
La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
- C'est un acte juridique, établi contradictoirement, qui contient la déclaration d'acceptation de l'ouvrage par le MO, avec ou sans réserves.
- La demande émane de la partie la plus diligente
- La réception doit intervenir entre les co-contractants
- La réception doit être contradictoire. Les parties doivent être présentes ou dûment convoquées. Il faut pouvoir prouver le respect du contradictoire. Mais l'accord des constructeurs n'est pas exigé. La réception leur sera opposable même sans signature du PV si elle leur a été dûment notifiée.
Attention :
Encourt la cassation l'arrêt retenant qu'un constat d'huissier demandé par le maître d'ouvrage, décrivant l'état des travaux, constitue une réception avec réserves, faisant courir la garantie d'assurance sans préciser si le PV de constat de l'huissier avait été établi contradictoirement (Civ. III, 3 mai 1989).
- C'est un quitus pour la quantité et la qualité de travail (sauf réserves).
- La réception sans réserve vaut acceptation des vices (malfaçons, manques, dommages, non-conformité au contrat…) que le MO a pu constater.
- Les modalités de la réception peuvent être convenues entre les parties, ou se référer à la NF P 03-001 ou être précisées dans le contrat.
Attention :
Doit être appliquée la clause d'un CCMI selon laquelle : l'occupation des lieux sans qu'un PV de réception soit établi valait réception sans réserve de l'immeuble, comportait approbation par le MO de l'exécution par le constructeur de ses obligations contractuelles et interdisait toute demande concernant les vices ou non conformité apparentes lors de la prise ,de possession (Civ. III, 4 novembre 1992).
Evidemment, ne jamais signer de telles clauses !!!
- La réception est soumise au régime des actes juridiques.
Attention :
par exemple, la fausse information d'un constructeur et d'un maître d'ouvrage sur une pseudo réception pour faire jouer l'assurance obligatoire est constitutive de fraude (Civ. I, 21 février 1989).
- La réception peut être :
Expresse, avec normalement un procès verbal de réception.
Attention:
La déclaration d'achèvement des travaux déposée en Mairie ne peut tenir lieu de PV de réception (Civ. III, 14 février 1990)
Judiciaire, imposée au maître d'ouvrage par le juge
Tacite, (jurisprudence vaste et fluctuante)
Attention :
sauf pour les CCMI ou la réception doit obligatoirement faire l'objet d'un PV écrit (L 231-6 du CCH).
2 – Effets de la Réception
(Lire les articles 1792 à 1796 du Code civil)
La réception change le régime juridique de l'ouvrage :
C'est le point de départ :
- des trois garanties légales (parfait achèvement, garantie biennale, garantie décennale)
- de l'assurance de responsabilité obligatoire des constructeurs
- de l'assurance Dommage Ouvrage du maître d'ouvrage
Elle marque le transfert des risques du constructeur vers le maître d'ouvrage.
2.1 – La garantie de parfait achèvement
Article 1792-6 (Code civil)(suite)
La garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.
Les délais nécessaires à l'exécution des travaux de réparation sont fixés d'un commun accord par le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur concerné.
En l'absence d'un tel accord ou en cas d'inexécution dans le délai fixé, les travaux peuvent, après mise en demeure restée infructueuse, être exécutés aux frais et risques de l'entrepreneur défaillant.
L'exécution des travaux exigés au titre de la garantie de parfait achèvement est constatée d'un commun accord, ou, à défaut, judiciairement.
C'est une garantie due par les entrepreneurs ou le constructeur (CCMI) pour :
- Tous les désordres (quelque soit leur importance, biennale ou décennale) apparents et réservés lors de la réception
- Egalement tous les désordres révélés dans l'année suivant la réception et notifiés par écrit par le maître d'ouvrage.
Le délai d'exécution est fixé à l'amiable entre le maître d'ouvrage et le constructeur (noté sur le PV de réception ou la notification écrite).
Dans le cas d'inexécution des travaux dans le délai, il suffit d'une mise en demeure restée in fructueuse pour les faire exécuter aux frais et risques du défaillant par une tierce entreprise, mais dans la limite des 5 % de retenue de garantie.
S'il n'y a pas d'accord entre les parties constatant l'exécution des travaux, il est prévu une constatation judiciaire (expert en référé).
Suivant la doctrine et la jurisprudence :
- Le délai d'un an à compter de la réception est un délai préfixe (délai accordé pour accomplir un acte, à l'expiration duquel on est frappé d'une forclusion) qui ne peut être ni interrompu, ni suspendu.
- Même si les désordres ont été dénoncés dans le délai d'un an, l'action en responsabilité engagée après l'expiration du délai doit être déclarée tardive ( C.C. civ III, 15 janvier 1997)
- La désignation d'un expert en référé pendant la durée de la garantie de parfait achèvement, fait à nouveau courir le délai de garantie à compter de l'ordonnance désignant l'expert (C.C. civ. III, 17 mai 1995)
En fait, compte tenu des délais de procédure, il faut que l'action auprès du TGI soit lancée environ deux mois avant la fin du délai d'un an.
Cependant, si l'entrepreneur a reconnu son obligation de garantie, dans le délai d'un an, cette reconnaissance interrompt le délai d'un an et le maître d'ouvrage peut agir judiciairement même après l'expiration du délai (C.C. civ. III, 17 mai 1995 – Versailles, ch. Réunies, 6 septembre 1996).
2.2 – La garantie de bon fonctionnement
Article 1792-3 (Code civil)
Les autres éléments d'équipement de l'ouvrage font l'objet d'une garantie de bon fonctionnement d'une durée minimale de deux ans à compter de sa réception.
(Une étude particulière est à faire)
2.3 – La garantie décennale
Article 1792 (Code civil)
Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
Article 1792-2 (Code civil)
La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.
Article 2270
Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.
(Une étude particulière est à faire)
2.4 – L'assurance de responsabilité obligatoire (décennale)
Article L241-1
Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.
A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité.
Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance.
Article L241-2
Celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait.
Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.
Attention :
Ceux qui font eux-mêmes une partie des travaux (VRD par exemple) ne sont pas assurés et cela peut poser de pros problèmes de responsabilité en cas de vente et de désordres dans les 10 ans !
(Une étude particulière est à faire)
2.5 - L'assurance de dommage obligatoire (DO)
Article L242-1
Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation.
L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat.
Lorsqu'il accepte la mise en jeu des garanties prévues au contrat, l'assureur présente, dans un délai maximal de quatre-vingt-dix jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, une offre d'indemnité, revêtant le cas échéant un caractère provisionnel et destinée au paiement des travaux de réparation des dommages. En cas d'acceptation, par l'assuré, de l'offre qui lui a été faite, le règlement de l'indemnité par l'assureur intervient dans un délai de quinze jours.
Lorsque l'assureur ne respecte pas l'un des délais prévus aux deux alinéas ci-dessus ou propose une offre d'indemnité manifestement insuffisante, l'assuré peut, après l'avoir notifié à l'assureur, engager les dépenses nécessaires à la réparation des dommages. L'indemnité versée par l'assureur est alors majorée de plein droit d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal.
Dans les cas de difficultés exceptionnelles dues à la nature ou à l'importance du sinistre, l'assureur peut, en même temps qu'il notifie son accord sur le principe de la mise en jeu de la garantie, proposer à l'assuré la fixation d'un délai supplémentaire pour l'établissement de son offre d'indemnité. La proposition doit se fonder exclusivement sur des considérations d'ordre technique et être motivée.
Le délai supplémentaire prévu à l'alinéa qui précède est subordonné à l'acceptation expresse de l'assuré et ne peut excéder cent trente-cinq jours.
L'assurance mentionnée au premier alinéa du présent article prend effet après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement visé à l'article 1792-6 du code civil. Toutefois, elle garantit le paiement des réparations nécessaires lorsque :
Avant la réception, après mise en demeure restée infructueuse, le contrat de louage d'ouvrage conclu avec l'entrepreneur est résilié pour inexécution, par celui-ci, de ses obligations ;
Après la réception, après mise en demeure restée infructueuse, l'entrepreneur n'a pas exécuté ses obligations.
Toute entreprise d'assurance agréée dans les conditions fixées par l'article L. 321-1, même si elle ne gère pas les risques régis par les articles L. 241-1 et L. 241-2 ci-dessus, est habilitée à prendre en charge les risques prévus au présent article.
Attention :
Elle intervient un après la réception, sauf cas particuliers précisés ci-dessus
(Une étude particulière est à faire)
3 – Pratique de la Réception
Quelques bonnes pratiques qui découlent des éléments précédents :
- Les convocations doivent être faites en LR/AR. Si le constructeur convoque oralement, lui confirmer sa convocation en LR/AR.
- S'assurer que sur le PV de réception, le contradictoire soit sans ambiguité : nom des parties concernées (maître d'ouvrage et constructeur) et signatures. Si un PV de constat d'huissier est fait, le joindre en annexe au PV de réception comme liste de réserves. Si le constructeur refuse de signer le PV, lui notifier en LR/AR.
- Noter sur le PV de réception tous les désordres, défauts, non-conformités apparents, sinon ils seront réputés acceptés par le MO.
Exemple : si une
fissure existe (même petite), la noter en réserve et demander la réparation, sinon elle ne sera plus jamais prise en charge (il y aura toujours quelqu'un pour dire et prouver qu'elle était présente lors de la réception.
- Dans le PV de réception, préciser le délai de réparation (de levée de réserves), en fonction du nombre et de l'importance des réserves. La NF P03 001 dit 3 mois un maxi.
- Dès que les réserves sont levées, établir un PV de levée des réserves (même procédure que pour la réception)
- Dito pour les réserves relevées pendant l'année de garantie
- S'il n'y a pas d'accord sur l'exécution des réparations (levée des réserves), action en justice (expert en référé).
- Si des réserves ne sont pas levées dans le délai prévu sur le PV, adresser une mise en demeure au constructeur de s'exécuter sous tel délai.
- S'il n'y a pas d'exécution dans le délai de la mise en demeure, faire réaliser les travaux par une autre entreprise aux frais et risques du constructeur, dans la limite du montant des 5%. Si montant plus important, action en justice. Ou lancer une action auprès de la DO, si le dommage est décennal.
- Attention, si les travaux de levée des réserves ne sont pas terminés dans le délai de 1 an, ils sont perdus, aucune action n'est possible (sauf peut être une action en responsabilité contractuelle du constructeur … mais là, c'est lourd et incertain, il faut prouver la faute …)
- En cas d'inexécution des travaux, pour conserver les avantages de la garantie de parfait achèvement, il faut arrêter le délai et il n'y a que deux solutions :
Soit le constructeur reconnaît sa responsabilité par écrit (signature du PV de levée de réserves négatif par exemple),
Soit action en justice pour la nomination d'un expert en référé. Il faut que l'ordonnance de référé soit datée et diffusée avant la fin du délai de garantie, c'est à dire qu'il faut se préoccuper de l'action en justice environ deux mois avant.