Bonjour,
Le service juridique de l'AAMOI avait relevé dans le dossier d'un adhérent qu'une clause du contrat de prêt de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE GRAND EST EUROPE contenait une clause abusive ainsi rédigée.
(...) La mise en amortissement du dossier ne pourra intervenir qu'après production du procès-verbal de réception sans réserve (').
Un montant égal à 5 % du montant du contrat de construction sera bloqué tant que le procès-verbal de réception des travaux n'a pas été produit (').
En cas de réception d'un procès-verbal avec réserves, le versement ne pourra être effectué. L'unique condition pour débloquer ce montant de 5 % est le versement sur un compte séquestre ouvert auprès d'un avocat.
Au dernier déblocage effectué et donc à la mise en amortissement du dossier, le coût total de l'opération précisé dans l'offre devra être précisé (...) ».
L'AAMOI a donc soutenu une action judiciaire contre cette clause qui imposait la consignation chez un avocat et, à défaut, ne permettait pas l'entrée en amortissement du prêt au bénéfice d'intérêt intercalaire pour la CAISSE D'ÉPARGNE.
Le tribunal judiciaire puis la Cour d'appel de METZ fait droit à cette analyse et déclare la clause abusive dans un arrêt très didactique du 14 décembre 2023 en ces termes :
Il est observé en premier lieu que la clause litigieuse était pré-rédigée dans l'offre proposée par la Caisse d'Epargne, et qu'elle n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle.
Il ressort de l'article R 231-7 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable à la date du contrat de crédit, que dans les relations entre le maître de l'ouvrage -ici les emprunteurs- et le constructeur de maison individuelle, « dans le cas où des réserves sont formulées, une somme au plus égale à 5% du prix convenu est, jusqu'à la levée des réserves, consignée entre les mains d'un consignataire accepté par les deux parties ou, à défaut, désigné par le président du tribunal de grande instance ».
En imposant aux emprunteurs, maîtres de l'ouvrage, une consignation du solde de 5 % sur un compte séquestre ouvert auprès d'un avocat, la Caisse d'Epargne les plaçait en situation de ne pas pouvoir respecter le contrat qu'ils ont conclu avec le constructeur de maison individuelle faute d'accord de celui-ci sur ce mode de consignation, ou de devoir prolonger la période de préfinancement et différer ainsi l'amortissement du capital.
Il est manifeste que les emprunteurs n'auraient pas accepté une telle clause dans le cadre d'une négociation individuelle loyale et équitable dans laquelle on leur aurait expliqué les conséquences économiques pour eux d'une période prolongée de préfinancement, sans amortissement du capital d'une part, et d'une discordance entre les dispositions applicables au contrat de construction de maison individuelle et les dispositions du contrat de crédit, d'autre part.
En outre la clause prévoyant que la mise en amortissement du prêt ne pourrait intervenir qu'au dernier déblocage de fonds, lequel ne pourrait intervenir, dans l'hypothèse d'un procès-verbal de réception assorti de réserves, qu'en cas d'ouverture d'un compte séquestre auprès d'un avocat, est de nature à prolonger au seul profit de la Caisse la période de préfinancement et donc à augmenter le montant cumulé des intérêts intercalaires prévus par le contrat sur cette période, alors que le montant total du capital qu'elle verse en définitive aux emprunteurs reste inchangé, et ce au détriment des emprunteurs dont l'intérêt est d'amortir rapidement le capital versé afin de réduire pour eux le coût du crédit.
Dès lors cette clause a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il s'agit d'une clause abusive, et le jugement est confirmé en ce qu'il la déclare réputée non écrite.
Sur le caractère abusif des autres dispositions de la clause de l'article 4 point C :
(...)
La disposition de l'article 4 point C selon laquelle « la mise en amortissement ne pourra intervenir qu'après production d'un procès-verbal de réception des travaux sans réserves (...) » intéresse l'objet principal du contrat et n'est pas claire et compréhensible pour le consommateur, puisqu'elle ne lui permet pas de comprendre concrètement les conséquences économiques pour lui.
Si elle est contredite par la stipulation indiquant que « En cas de réception d'un procès-verbal avec réserves, le versement ne pourra être effectué. L'unique condition pour débloquer ce montant de 5 % est le versement sur un compte séquestre ouvert auprès d'un avocat. », cette dernière stipulation est réputée non écrite.
De même la clause différant l'entrée en amortissement au « dernier déblocage effectué » intéresse l'objet principal du contrat et n'est pas claire et compréhensible pour le consommateur, puisqu'elle ne lui permet pas de comprendre concrètement les conséquences économiques pour lui.
Ces deux portions de clause sont de nature à prolonger au seul profit de la Caisse la période de préfinancement, et donc à augmenter le montant cumulé des intérêts intercalaires prévus par le contrat sur cette période, ce alors que le montant total du capital qu'elle verse en définitive aux emprunteurs reste inchangé, et ce au détriment des emprunteurs dont l'intérêt est d'amortir rapidement le capital versé afin de réduire pour eux le coût du crédit.
Dès lors ces stipulations ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Il s'agit de clauses abusives, et le jugement est infirmé en ce qu'il rejette la demande tendant à les déclarer réputées non écrites.
Ces dispositions qui se trouvaient dans les contrats de prêts bancaires de la CAISSES D'ÉPARGNE GRAND EST pourraient se trouver dans des contrats d'autres Caisses d'Epargne, voire d'autres organismes de prêt, et nous encourageons donc les consommateurs à être attentifs aux conditions de déblocage du solde du prêt.
Si de telles conditions sont présentes dans leur contrat nous leur proposons de voir avec leur prêteur quelles sont ses intentions à la suite de cette jurisprudence.
En l'espèce, le préjudice avait été estimé à plus de 17.000 € par notre adhérent.